Interview de Marie Tournigand dans “Résonances”
Pouvez-vous nous présenter l’association Empreintes, ce qu’elle propose et à qui ? Quels sont les profils des intervenants ?
Marie Tournigand : L’association Empreintes existe depuis 25 ans. Elle accompagne le deuil partout en France, et auprès de tous, quel que soit l’âge, la cause du décès, ou encore le lien avec le défunt.
Nous nous donnons cinq grandes missions : aider, former, informer, mobiliser et rechercher. Pour cette dernière, il s’agit de développer la recherche scientifique afin d’objectiver les difficultés et les impacts liées au deuil.
Nous aidons à la fois les personnes en deuil, leur entourage, et les professionnels amenés à les accompagner. Cela se fait de plusieurs façons : entretiens téléphoniques, entretiens individuels ou familiaux, ateliers et groupes d’entraide (enfants, adolescents, adultes, etc.).
Notre volonté est aussi de rendre la société plus aidante. Une étude que nous avons menée avec le Credoc* – Centre de Recherche pour l’Étude et l’Observation des Conditions de Vie – a montré que 53 % des Français avaient été heurtés par les attitudes de leur entourage lors de la perte d’un proche. Cette étude a aussi analysé l’impact sanitaire, social et économique du deuil : la prévention est indispensable pour éviter les complications du deuil qui concernent environ 20 % des situations. Notre mission est donc de soulager la douleur et d’aider à la cicatrisation.
Notre équipe d’accompagnants est mixte, avec environ 50 % d’accompagnants bénévoles et 50 % d’accompagnants rémunérés. Les bénévoles sont sélectionnés, formés et accompagnés. Ils ont des parcours professionnels diversifiés, avec ou sans expérience d’accompagnement, parfois avec une expérience personnelle de deuil. Les intervenants rémunérés sont soit des psychologues, soit des professionnels de l’accompagnement dont des travailleurs sociaux que nous formons.
De façon générale, à qui s’adressent les conférences que vous proposez ? Quel format et quels contenus ont été proposés aux travailleurs sociaux des Caf ?
MT : L’association Empreintes a le statut d’organisme de formation certifié Datadock. Les formateurs sont d’abord des accompagnants au deuil, capables d’illustrer la théorie par des exemples concrets, par du vécu. Nos publics formés sont variés : associations, entreprises, services sociaux, hôpitaux, services funéraires, mutuelles, Ehpad, rectorats pour les scolaires. En fait, le besoin d’accompagnement est partout.
Les formats peuvent différer selon l’organisme et selon le contexte d’intervention : conférences, webinaires assez généralistes et d’autres plus longues – 3 jours – pour former des accompagnants. Nous proposons également une formation « Référent deuil ® », qui est la plus demandée. Elle se fait en deux journées dont une adaptée au profil de la personne et de son organisme.
Concernant la formation destinée aux travailleurs sociaux des Caf, nous avons construit une offre adaptée, quasi sur mesure. Sous forme de webinaire, la formation Référent deuil ® a été découpée en conférences – échanges, pour offrir aux travailleurs sociaux des Caf des temps de partage d’expériences. L’aspect humain et psychologique y était très présent.
Quelle place, quel rôle tiennent selon vous les travailleurs sociaux des Caf dans l’accompagnement des personnes vivant un deuil ? Quelle complémentarité avec d’autres professionnels ?
MT : Il a été prouvé par les études qu’il ne faut pas psychologiser le deuil, il faut le socialiser. Le deuil n’a pas forcément besoin d’une thérapie. Il est donc nécessaire que les travailleurs sociaux soient au cœur de ce type d’accompagnement. Leur formation, leur capacité d’écoute, d’analyse leur donne une place centrale et légitime.
Cependant, ils manquent eux-mêmes d’accompagnement, alors qu’ils ont besoin d’outils très concrets, de protocoles. J’ai personnellement été impressionnée par l’implication de ces professionnels, qui ont tous un vrai désir d’approfondir, de mieux faire et d’être aidés pour ça. Quand on choisit le métier de travailleur social, on le choisit pour accompagner, et le deuil est l’un des sujets qui nécessite le plus d’accompagnement.
La présence d’associations sur le territoire est hétérogène, il faudrait une offre nationale de soutien, non thérapeutique. La branche Famille est parfaitement légitime pour offrir une présence complémentaire de celle des associations. Notre projet est de travailler avec elle pour rendre l’accompagnement au deuil systématique, visible et accessible.
Nous reproduisons ici l’article “3 questions à Marie Tournigand, déléguée générale de l’association Empreintes“, paru dans le magazine interne “Résonances”, destiné aux 35 000 collaborateurs de la branche Famille (Cnaf et Caf).